Prise en charge chirurgicale des complications secondaires à la chirurgie de la cataracte

Généralités

La chirurgie de cataracte est la chirurgie la plus pratiquée en France avec près de 800 000 procédures par an et un taux de complications parmi les plus faibles. Toutefois, dans les cas de rupture capsulaire postérieure (RCP) ou d’instabilité zonulaire, une implantation primaire dans le sac cristallinien peut s’avérer impossible lors de l’intervention. Une luxation secondaire de l’implant est aussi possible, d’autant plus que la zonule est ou a été fragilisée (chirurgie vitréo-rétinienne, myopie, traumatisme, chirurgie de cataracte ancienne).

Plusieurs types d’implantations secondaires existent afin de corriger l’aphaquie résiduelle (absence de cristallin), classés selon leur site d’implantation (en chambre antérieure ou postérieure) et leurs techniques d’implantation. 

1er cas de figure :

  • Il reste un plan capsulaire : 
    • En cas de RCP simple avec un bon plan capsulaire, l’implantation dans le sulcus est la technique de choix. Une vitrectomie, au minimum antérieure, est réalisée afin d’avoir un plan capsulaire propre sans issue de vitré. Il est préférable d’utiliser des implants 3 pièces, stables, de type MA60 (Alcon).
    • IOL three-pieces Alcon MA60AC (image from Alcon product information sheet)
    •  En cas de désinsertion zonulaire, il est préférable de ne pas mettre un implant dans le sulcus car il risquerait de se luxer ou de se décentrer par le passage d’une haptique par la désinsertion. L’anneau de sac est indiqué pour une désinsertion de moins de 180° mais il faudra implanter dans le sac. Il est techniquement possible de mettre un implant monobloc dans le sulcus mais il y a davantage de probabilité qu’il se décentre.

Second cas de figure :

  • Il n’existe plus de plan capsulaire
  • S’il y a un implant dans l’œil et que l’implant est luxé dans le segment postérieur, il est possible de le récupérer et de le suturer à la sclère ou à l’iris ou de fixer les haptiques à la sclère s’il s’agit d’un implant 3 pièces. Cette technique présente l’avantage de ne pas explanter pour réimplanter. Si l’implant est suturé à l’iris, les sutures sont réalisées avec du Monofil (polypropylène) 10/0 aiguille droite ou courbe, ou du Gore-Tex. Cette procédure reste assez longue. Les principales complications sont des hypertonies post-opératoires résolutives sans ou après traitement de courte durée, un syndrome de dispersion pigmentaire, des uvéites, un œdème maculaire cystoïde ou encore des dislocations ou détachements de l’implant. Les cas de décompensation endothéliale semblent faibles avec des pertes endothéliales aux alentours de 10 % à deux ans. Il est aussi possible de suturer quasiment tous les types d’implants à la sclère. Les sutures se font avec du Monofil 10/0 ou du Gore-Tex. Du fait de la proximité du corps ciliaire lors de l’intervention, il existe un risque d’hémorragie intravitréenne et d’hypotonie au cours de la chirurgie, mais d’évolution souvent favorable. L’exposition des sutures sclérales, le lâchage de ces sutures, une hypertonie ou un décollement de rétine sont des complications potentielles. Le taux de lâchage des sutures varie entre 6 % et 28 % selon les études, après un délai moyen après l’implantation initiale entre quatre et cinq ans et de façon plus marquée chez les patients jeunes. Le pourcentage de pertes endothéliales est estimé à 15 % à deux ans.
  • S’il n’y a pas d’implant dans l’œil :
    • Nous ne parlerons pas ici des implants de chambre antérieure à appui angulaire qui sont de moins en moins utilisés et que je n’utilise jamais, en raison d’un nombre élevé de complications : kératopathie bulleuse, glaucome, synéchies iriennes et déformations pupillaires, blocage pupillaire, hyphéma, uvéite, ou encore œdème maculaire cystoïde, en particulier avec les implants à anses fermées et rigides.
    • Les implants de chambre antérieure (ICA) et surtout postérieure (ICP) à fixation irienne (iris-claw)
    • Les ICA et ICP clippés à l’iris (type Artisan ou Verisyse), sont constitués de PMMA et ne peuvent être implantés que si le support irien est suffisant. Une iridectomie périphérique est recommandée afin d’éviter un blocage pupillaire surtout si les ICA sont posés en chambre antérieure (CA), mais il est possible de s’en passer en chambre postérieure en positionnant la concavité de l’implant vers le haut. Ils requièrent une incision cornéenne de 5,5 mm mais peuvent également être implantés par une incision sclérale tunnélisée. Le taux de décompensation endothéliale est estimé à 1% à un an. Les pertes endothéliales varient de 4 % à un an à 15 % à deux ans. Les autres complications liées à ce type d’implant sont une rupture du sphincter de l’iris lors de l’implantation, l’ovalisation de la pupille, la survenue d’un œdème maculaire cystoïde, d’hypertonie ou encore d’une dispersion pigmentaire. Une haptique peut également se désenclaver de l’iris (risque de 2 à 9 % selon les études) nécessitant une nouvelle intervention chirurgicale. Il ne semble pas y avoir de différence significative en termes de bénéfice visuel entre implantation pré et rétro-irienne. De même, le taux de perte endothéliale et de décompensation cornéenne semble similaire. Il convient de surveiller le risque d’œdème maculaire cystoïde avec l’Artisan prépupillaire car le taux d’incidence semble supérieur, même s’il n’apparaît pas significatif. Cependant, en raison d’un risque de décompensation cornéenne et d’hypertonie oculaire, l’implantation d’une lentille intraoculaire en chambre postérieure nous semble préférable dans la mesure du possible. De plus, la position de l’implant en chambre postérieure étant plus proche de la position physiologique du cristallin, cela semble diminuer les risques de blocage pupillaire et de syndrome uvéite-glaucome-hyphéma.
    • Les implants de chambre postérieure fixés à la sclère :
      • Technique de Yamane, comme vu plus haut. Un des dispositifs les plus implantés est l’implant pliable 3 pièces, en acrylique hydrophobe et anse en PMMA. Il requiert une incision cornéenne de 2,8 mm. Il a un diamètre optique de 6 mm et une longueur de 13 mm. Certaines complications apparaissent fréquentes avec les implants à fixation sclérale comme la rotation ou le tilt de l’implant ou l’incarcération irienne. De plus, ces implants ne sont, le plus souvent, pas conçus de prime abord pour être insérés dans la sclère.
    • Implant Carlevale FIL-SSF à fixation sclérale sans suture
      • Depuis 2020 un nouveau dispositif a été introduit sur le marché : l’implant Carlevale (Soleko IOL Division et MD Tech) à fixation sclérale sans sutures.Ce type d’implant requiert une incision cornéenne d’au moins 2,2 mm et deux trappes sclérales de 4 mm sur 4, situées à 180° l’une de l’autre. Ses deux haptiques ont une extrémité en « T » lui permettant de rester ancré dans la sclère. Le taux de pertes endothéliales est estimé à 3,5 % à un an. Ses principales complications sont la rupture peropératoire de l’extrémité en T d’une des deux haptiques entraînant souvent le changement de l’implant (2,5 % des cas), l’hémorragie intravitréenne (entre 4 et 7 %, d’évolution favorable), les traumatismes de l’iris par les orifices de sclérotomie (2,5 %), la subluxation de l’implant (5 %), l’œdème maculaire cystoïde (10 %) et l’hypertonie oculaire (16%, résolutive sous traitement). De nombreuses variantes quant à sa fixation sont décrites (sans désinsertion conjonctivale, avec volets scléraux, directement dans la sclère…). Il existe également des modèles toriques permettant de corriger l’astigmatisme.
      • a IOL single-piece Soleko FIL-SSF (image from Soleko product information sheet). b T-shaped haptic that allows anchorage to the sclera (circle), intraocular part of the haptic with two points of stabilization at sulcus (arrows)
      • unique sutureless scleral fixation IOL, available in toric version too.

Une plastie de l’iris peut être combinée à tous ces gestes :

Cataracte avec synéchies iridocristalliniennes, Iris remanié par crise aiguë de fermeture de l’angle et résultats post opératoire après chirurgie de la cataracte et plastie irienne (suture de Mac Cannel)

Photos implant Artisan, rétro-irien

Implant MA60AC suturé à la sclère

Carlevale

Positionnement implant Anse en T

Sutures pochettes sclérales

En conclusion :

 Le site d’implantation secondaire sera choisi en fonction de l’état des structures oculaires résiduelles : plan capsulaire, état irien, scléromalacie, de l’urgence de la situation clinique et de la disponibilité de l’implant.

Il est préférable d’implanter en chambre postérieure afin de se rapprocher de la position physiologique du cristallin. Un implant luxé dans le segment postérieur pourra être implanté de nouveau, suturé à l’iris ou fixé à la sclère (avec ou sans sutures).

Les nouveaux implants dédiés à l’implantation secondaire à fixation sclérale sans suture récemment introduits sur le marché (implant Carlevale), augmentent la stabilité du dispositif, qui semble néanmoins à risque d’opacification secondaire mais cette information reste à confirmer.